Chroniques d’un retour en France

Épisode 1: d’Amsterdam en Allemagne.

Après trois mois dans les solitudes islandaises, voilà que nous nous retrouvons dans les folies urbaines. De l’aéroport d’Amsterdam, nous prenons un train pour le centre-ville. Notre hôtel, le moins cher de toute la ville (?), est en marge du quartier touristique: minuscule mais proprette chambre de 5 m2 qui nous semble de toute façon bien plus vaste que la tente de toit dans laquelle nous venons de passer les derniers mois. Les rues sont des guirlandes d’enseignes qui annoncent toutes les débauches et les profusions: viandes, graisses, sucres, cascades de gadgets colorés et ineptes: armées de canards en plastique, magnets, mugs, porte-clés… A cela s’ajoutent toute la panoplie du fumeur de haschich, les produits dérivés au CBD, les femmes en vitrine…

Bienvenue en Europe continentale! Je suis assez vite pris d’un haut-le-cœur et d’une folle envie de repartir.

Ce n’est pourtant pas la pire des capitales, Amsterdam! C’est une ville arborée, sillonnée par des cohortes de cyclistes et rendue paisible par les eaux lentes des canaux.

La psychose Covid n’y est pas trop grave: on ne porte de masque que dans les transports en commun… C’est tout de même un drôle de carnaval pour nous…

Anne Frank

Depuis un certain temps déjà, nous ne visitons plus guère les monuments et musées des capitales, préférant errer dans les rues, en quête de paroles écrites en images et de chorégraphies éphémères qui glissent sur les rampes de béton. Car quelque chose se dit dans les interstices urbains et les terrains vagues, sur les crépis écaillés, dans l’ombre des ruelles, sur les docks; les skates, les rollers, les trottinettes aussi inscrivent des arabesques dans l’air, des mouvements, des danses, des acrobaties… Street arts.

Dans toutes les villes où nous allons, nous cherchons ces traces. Les murs et les rampes les plus bavards sont en Occident.
Près du musée Van Gogh, nous observons longuement les rollers et les trottinettes.

Dans certaines villes, le street art peut être en butte aux tracasseries policières ; à Amsterdam, on lui a assigné quelques espaces privilégiés: les anciens chantiers navals de la Nederlandsche Dok en Scheepsbouw Maatschappij (NDSM) en font partie. On trouve quelques tags et graphs dans le reste de la ville, mais somme toute assez peu.

Un Banski en ville…
En ville…
En ville…
En ville…
Présence de Rembrandt…

L’essentiel se trouve sur les docks. Pour y aller, nous prenons un ferry gratuit, ce qui nous donne l’impression de débarquer sur une île.
Et c’en est une en quelque sorte, comme séparée du reste de la ville. C’est un endroit paisible, laid comme le sont toujours les docks désaffectés.

C’est précisément ce qui est intéressant dans le street art: il investit les zones mortes, les zones laides, les friches, les ruines. Et dans cette morne grisaille de béton rugueux, soudain fleurit la couleur; souvent pure, souvent dure; elle transfigure avec violence les quais et les entrepôts, les rampes, les vieux murs…

A NDSM, tous les styles cohabitent, du tag primitif au graph sophistiqué; tous les mondes aussi, depuis le dessin pour chambre d’enfant à la fresque « professionnelle » en passant par des
personnages à la Tim Burton. Et c’est justement cette cohabitation qui fait sens.

Le graph, le tag, le sticker, c’est l’antithèse de la peinture de musée; c’est un art éphémère qui parle de l’éphémère. Il s’inscrit dans un décor extérieur, urbain, il en fait partie intégrante. Lorsque l’on va dans musée de peinture, on s’attarde rarement sur l’architecture du musée lui-même, on est venu là pour les toiles, que l’on considère une à une et séparément. Le street art, lui, englobe le lieu dans lequel il s’inscrit, l’immeuble, le mur; le tag ou le graph avec lequel il voisine. Il se crée des coïncidences signifiantes, de saisissants contrastes, des palimpsestes bavards…

On pourrait évidement longuement épiloguer sur la vocation politique et contestataire du street art, se demander si le street art « autorisé » parce que canalisé dans des espaces réservés, est encore du Street Art… Triste destinée des artistes des murs: lorsqu’ils enfreignent les règles communes, on les traite de vandales; quand ils les respectent, on les traite de vendus! Ceux que nous avons vus à  NDSM nous ont semblé heureux de pouvoir peindre de jour, sans contraintes…

Tout un programme…


Nous aurons la même impression quelques jours plus tard, près du camping où nous avons rejoint mon frère: un vaste pont enjambe le Mond van het Amsterdam-Rijnkannaal et chaque pile est peinte de fresques colorées.

En photographiant du street art, on peut jouer avec les formes et les couleurs, l’échelle des plans, tenter de faire œuvre à son tour…

Mon frère Christian a joué les convoyeurs pour nous: il nous a livré ma Logan avec tente sur le toit. C’est avec elle que nous allons accomplir notre premier retour en France… Christian, lui, redescendra en vélo!

En chemin, nous nous arrêtons dans la campagne hollandaise, près de vieux moulins.

Puis nous nous arrêtons dans une seconde « chambre de décompression », un chalet perdu dans la forêt allemande, dans le parc national de Hunsrück-Hochwald, chez André et Silvia, nos amis qui nous avaient rejoints en Islande sur le trek du Laugavegur.

Christian, André et Silvia ont joué le rôle de passeurs, ils nous ont permis de doucement revenir en Europe. Sans eux, ce retour aurait été bien plus difficile. Qu’ils en soient mille fois remerciés.

Nous nous sommes faits tester pour la Covid à Thionville.  On nous a annoncé 72 heures avant les résultats. Nous les avons eus finalement en moins de 24 heures.
Nous avons eu confirmation que nous n’avions pas la coco vide…
Ainsi a commencé notre tour de France de la famille et des amis…

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