Errances islandaises…

Un mois d’août en Islande…

Sur la F909

Voilà presque deux mois et demi que nous sommes en Islande, dehors. L’été n’a pas été caniculaire: je crois que le maximum de température que nous ayons connu est 18°. Nous portons presque toujours un bonnet (souvent même pour dormir), nos doudounes et nos Goretex. En moyenne, il fait 12 ou 13 degrés, mais nous avons connu quelques gelées, la pluie évidemment, et le pire – qui explique en partie le peu de végétation sur l’île – le vent. Le vent qui a plusieurs reprises a transformé notre tente de toit en esquif ballotté par la tempête: nous avions vraiment l’impression d’être dans un bateau qui gitait dangereusement, et la toile qui claquait était comme une voile qui menaçait de se déchirer. Lorsque nous avons eu la pluie et le vent en même temps, notre tente de toit, James Baroud (oui, la marque a de quoi faire sourire) n’y a pas résisté et l’intérieur a été inondé.

Grand déballage: on fait tout sécher: matelas, duvets, tente de toit, tente de bivouac encore humide de la dernière rando…

Nous sommes heureux de trouver de temps en temps des campings qui proposent des salles communes: cela nous permet de cuisiner au chaud, de lire et d’écrire assis, sans avoir besoin de nous réfugier dans la tente. Malheureusement, un très léger sursaut de la Covid (sans commune mesure avec ce qui se passe en France) a entraîné la fermeture des espaces communs de certains campings…

« Notre » terrasse…

Nous profitons du moindre rayon solaire pour battre la campagne et arpenter les montagnes. Et même quand le temps est à la brume, nous sommes dehors de toute façon.
Lentement, indistinctement d’abord, la nuit est revenue: elle gagne de plus en plus de terrain. Il y a un vrai crépuscule désormais, de vrais couchers de soleil et de vraies aurores.
Il se peut qu’avant notre départ, nous voyions tomber les premières neiges…

L’Islande est circonscrite par la route 1, celle qu’empruntent les touristes pressés, mais elle est aussi traversée par un réseau de routes secondaires, pas forcément asphaltées, et de pistes qui sur la carte sont matérialisées de façon différente selon leur niveau de « carrossabilité »; du plus vers le moins: marron, gris continu, gris discontinu. Les deux dernières catégories sont les routes F: elles ne sont ouvertes qu’aux 4×4, certaines seulement aux 4×4 modifiés, entendez ceux qui ont des roues de tracteur! Sur ces routes-là, il y a souvent des rivières à traverser, à gué; ce qui est toujours un peu angoissant avec une voiture de location sachant qu’aucune assurance islandaise ne prend en charge ce genre de fantaisie…

Les « V » dans un cercle matérialisent les gués…

Lorsqu’on quitte la route 1, c’est pour aller dans les fjords les plus lointains, dans le calme d’anses marines surtout peuplées d’oiseaux, dans d’immenses déserts de sable volcanique ou tout au bord des glaciers. Il y a toujours une piste à droite ou à gauche, et encore une autre plus loin, et un chemin de randonnée perdu au milieu des tourbières et des champs de lave sans fin. L’Islande appelle l’errance, le mouvement, toujours un peu plus loin, juste comme ça, pour voir ce qui se cache encore derrière l’orbe d’une colline ou après ce col, là-bas, ou bien encore pour voir si par hasard le fjord suivant n’aurait pas la grâce d’être ensoleillé alors que celui-ci est dans les brumes.

Alors nous avons erré, avec le détachement de ceux qui ont le temps et qui peuvent se permettre de rester plusieurs jours là où les autres ne font que passer pour faire quelques rapides clichés, parfois sans même sortir de la voiture. C’est tout de même déconcertant, cette frénésie, cette sur-consommation de paysages et de culture, qu’on avale sur le pouce, comme un hamburger: gare au diabète et au cholestérol touristiques!

Le Lakagigar: 120 kilomètres sur les F206 et F207: 6 gués (à passer deux fois car le retour s’effectue par la même route).

Sur la F206

Le Lakagigar, cela signifie  littéralement « les cratères du Laki ». En 1783, s’est ouverte à cet endroit une fissure volcanique de 27 kilomètres de longueur, à l’origine de l’une des plus importantes éruptions de lave des temps historiques. 

Les cratères du Laki

Cette éruption a entraîné une terrible famine en Islande: la Móðuharðindin; et des perturbations climatiques dans toute l’Europe. Certains historiens avancent même qu’elle a compté parmi les causes indirectes de la révolution française…
Nous y étions déjà allés en 2016, cela nous a permis de mesurer à quel point le tourisme s’est développé en Islande ces dernières années: en 4 ans, nous sommes passés d’une zone ouverte, libre et peu fréquentée, à une zone désormais très cadrée, ciblée par le tourisme des tours operator et autres vendeurs d’aventures tarifées à l’heure: d’énormes camions-bus 4×4 climatisés déversent maintenant des groupes bruyants; il a donc fallu canaliser tout ce beau monde sur des sentiers tracés au cordeau.

En marge de la piste, le canyon du Fjađrárgljúfur, est méconnaissable: cette merveille naturelle a été défigurée par des chemins et des plates-formes métalliques d’observation.

le canyon du Fjađrárgljúfur

Nous avions prévu de dormir sur place, mais nous avons reculé devant le ciel menaçant, et bien nous en a pris: de fortes pluies nocturnes ont nourri les rivières, interdisant le passage des gués pendant plusieurs jours…

Dans le fjord de Borgarfjordur: 50 kilomètres sur la F946 et petite randonnée pédestre.

Sur la F946
Sur la F946
Sur la F946

Le Vatnajökull: 60 kilomètres de piste sur la F909, 2 gués.
Depuis les Fjords de l’est, où nous avons musardé une dizaine de jours, nous avons emprunté la route 910 puis la piste F909 qui vient mourir aux pieds des Brúarjökull et Eyjabakkajökull, deux langues glacières de l’immense Vatnajökull, le plus grand glacier d’Islande: il fait à peu de chose près la superficie de la Corse.

Sur la F910
On se sent petit…

Le recul du glacier a été matérialisé par de petites pancartes et c’est absolument terrifiant.

Au retour, nous croisons un trio de chasseurs armés d’énormes fusils à lunette. Nous nous demandons ce qu’ils peuvent bien  chasser ici, dans ces étendues désolées. Hélas, nous avons la réponse quelques kilomètres plus loin: nous croisons quatre magnifiques rennes (ils ont été importés en Islande au XVIIIe siècle en provenance de Norvège et de Laponie pour faire face aux famines, notamment dues à l’éruption du Laki. L’expérience a tourné court et les rennes sont retournés à l’état sauvage…).

Canyons, maisons en tourbe et coucher de soleil sur les pistes 910, F910, 923, 901, 907.

Canyon de Hafrahvammagljúfur
Canyon de Hafrahvammagljúfur
Canyon de Hafrahvammagljúfur
Maison en tourbe et bois, Saenautasel
Sur la piste…
Sur la piste

Échec sur la piste F905 pour aller voir l’Askja.
Un soir, nous croisons notre 18ème renard arctique.

Le lendemain, il ne fait pas très beau lorsque nous nous engageons sur la F910 . 20 kilomètres plus loin, nous sommes bloqués au premier gué par une voiture qui a calé au beau milieu de la rivière. Nous rebroussons chemin.

Dommage…

Selfoss et Dettifoss

Pause à Raufarhöfn: Arctic Henge: le Stonehenge islandais

Raufarhöfn est le village le plus septentrional de l’Islande dans le Melrakkaslétta (plaine du renard arctique), relié à Kópasker par la route 870 non-asphaltée (55 km), qui passe par la pointe de Rifstangi située à 2.5 km du cercle polaire arctique. Là, comme nous sommes un peu fous, nous nous sommes baignés!

Baignade dans une eau à 6 ou 7 degrés…

A Raufarhöfn se trouve aussi l’Artic Henge, une sorte de Stonehenge à l’islandaise. Cet enclos arctique « Heimskautsgerðið »  est construit d’après l’arbre familial des nains (Dvergatal) de l’Edda de Völuspá (poème scaldique viking). Comme Stonehenge, la construction est orientée de façon à montrer les grands événements cosmiques de l’année.

Asbyrgi: un repère d’Alfes

Je corrige une erreur que j’ai commise dans l’article précédent: en Islande, il n’est pas question d’elfes, mais d’Alfes, álfar en vieux norrois. Dans la mythologie nordique, ce sont des créatures primitives assez difficiles à caractériser: il se peut que ces créatures aient régné sur les facultés mentales, mais c’est tout ce que l’on peut dire. Dans les poèmes eddiques, ils sont sur un pied d’égalité avec les Ases et les Vanes., les deux groupes de Dieux qui se sont faits la première guerre de l’univers…

Baleine à Husavik.

Cascades et échec sur les pistes 842, F26 et F910 (2 gués) pour aller voir l’Askja (bis) puis arrêt à Laugafel 752 (2 gués). Source chaude au coucher du soleil et retour. Environ 250 kilomètres de piste.

Nous reprenons la piste pour tenter une nouvelle fois de nous approcher de l’Askja. Ce sera un nouvel échec, la piste est momentanément fermée aux petits 4×4, alors nous faisons un crochet par les sources chaudes de Laugafel.

Sur les pistes
Sur les pistes
Sur les pistes
Baignade nocturne dans une source chaude à 40 degrés.

Pause et petites randonnées à Dalvik.

Nous reprenons la route jusqu’à Skagaströnd, où nous passons les derniers jours d’août, tranquillement. Septembre sera une autre histoire…

Une réflexion sur « Errances islandaises… »

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