Rien que pour nos yeux…

S’il est des lieux magiques, des lieux de la démesure et de la beauté, alors une nouvelle fois, nous y sommes…

L’Atacama, ce furent d’abord trois jours passés dans les creusets secrets de la Valle Arcoiris, la vallée arc-en-ciel, aux faux airs de Cappadoce et de Djety Oguz (Kirghizstan), à chercher des feuilles de gypse, du hornblende et des amphibolites, à contempler les immenses  orgues de pierre, la variété des couleurs et le fabuleux ciel nocturne.

L’Atacama, ce fut encore l’ocre doux des sables, les chimères de grès rendues floues par les effluves de chaleur, juste avant d’entrer à San Pedro d’Atacama, une petite ville où l’on sent l’influence de la Bolivie toute proche: maisons en adobe, tissus colorés, Eglise blanche, place ombragée…

San Pedro d’Atacama est déserte. Habituellement, il y a foule de touristes. Seule une toute petite partie des échoppes et agences est ouverte; les propriétaires attendent désespérément les clients. S’il y en a potentiellement six en ville, c’est le bout du monde!

San Pedro – Le volcan Licancabur en arrière-plan.

Le temps de manger avec nos amis Jan et Iva, de faire quelques courses, et nous voilà repartis par la route 23 CH qui conduit 210 km plus loin au Paso Sico, à la frontière Argentine. Nous franchissons à nouveau le tropique du Capricorne.

Cette route-là, c’est une merveille. Elle se hisse à 4100 mètres d’altitude, côtoie des lagunes bleues, des salars, des volcans. Elle traverse un altiplano où sans cesse tout se métamorphose : de l’aube au couchant, tout change et se transfigure. Tout est spectacle, tout est tableau. On a parfois l’impression de traverser des aquarelles, souvent même des paysages imaginaires, comme si on était entré dans les délires d’un peintre fou qui juxtaposerait d’improbables couleurs.

La laguna Miscanti est fermée au public, mais nous la verrons quand même, du dessus, au prix de 5 kilomètres d’une piste haute en couleurs et d’une ascension jusqu’à 4300 m d’altitude. Le spectacle est grandiose.

La laguna Miscanti
Maracas!

Puis nous côtoierons le magnifique volcan Miñiques (5910m), l’étrange Cero Aguas Calientes (4384m) et la lagune du même nom. Ce sera enfin la Laguna Tuyato.

Le Cerro Aguas calientes
Lagunes…

Cette route, nous allons y passer trois jours pleins, allant et venant, revenant sans cesse sur nos pas, simplement pour mieux voir, explorant des pistes et des canyons, bivouaquant dans des antres de pierre,  au coin d’un feu de camp, sur les terrasses qui surplombent le grand Salar de San Pedro.

Nous croiserons des guanacos, des vigognes, un renard, des ânes, des flamands James,  un faucon, un straight billed earth creeper et autres oiseaux, des émeus et même un très rare Chinchilla Lanigera (espèce en danger critique d’extinction).

Et que dire du ciel nocturne, que mon petit appareil photo ne peut saisir, mais qui est simplement extraordinaire? La nuit est si lumineuse qu’on se croirait en temps de pleine lune. Mais la lune est absente; au-dessus de nos têtes, il y a juste un vaste dais clouté de diamants qui scintillent.

Éteignez la lumière pour mieux voir…😉

Et pour voir tout cela, nous sommes seuls. Le spectacle est rien que pour nos yeux…
Vaste est notre domaine, ces temps-ci: bien des arpents vierges et sans hommes, jusqu’à l’horizon le plus lointain.

Je suis très sage…

Nous parcourons ensuite le grand Salar d’Atacama. Seĺ et lumière, boue sèche et craquelée, sable et poussière…


Les principaux sites (privés) sont fermés au public pour cause de Covid, ce qui semble assez absurde compte tenu de leur étendue. Les propriétaires sont même allés jusqu’à creuser des tranchées sur les pistes pour empêcher les véhicules de passer.

You shall not pass…

Il y a des douanes sanitaires à l’entrée des villages.
Nous nous posons quelques heures sur une piste du Salar qui n’est même pas sur les cartes. Un véhicule apparaît d’on ne sait où. Un homme masqué à la mauresque en descend qui nous dit que nous ne pouvons rester là parce que nous sommes sur la commune de Peine. Nous ne voyons guère en quoi nous représentons un danger pour les gens de Peine: le village est au moins à 20 kilomètres!
Nous comprendrons plus tard en passant à proximité du village en question. Grande est la psychose covidienne…

La bienvenue en temps de Covid…

Nous repassons par San Pedro pour faire quelques courses, prendre une douche, faire des lessives à la seule « laundry » encore ouverte (toute une aventure!) aller chez le coiffeur, puis nous reprenons une route magique, la 27CH qui file elle aussi vers l’Argentine et la Bolivie, entre volcans et lagunes encore.

Lessive…

Cette route monte jusqu’à 4854 mètres,  traverse d’âpres paysages ocre et bruns, parfois délicatement orangés ou rosés. Presque rien ne pousse. C’est un vaste désert rehaussé de monts sombres pleins de plis et de replis. On y voit le volcan Licancabur (5820m), l’Acamarachi (6046m), des lagunes bleues ourlées de sel. La première que nous croisons est encore gelée de la nuit, une épaisse couche de glace où patinent des canards.

Le volcan Licancabur (5820m)
l’Acamarachi (6046m)

150 kilomètres de solitude sans le moindre village. Seuls quelques poids lourds s’en vont livrer des voitures en Argentine, ou en viennent, la remorque chargée de denrées qu’on espère essentielles: les frontières sont fermées, sauf au commerce. Ne serait-ce pas là le principal vecteur du virus, le commerce? Le Business qui jamais ne s’arrête?

Nous dormons à 4286m, face à la Laguna Aguas Calientes. Dans la nuit, la température chute bien en-dessous de zéro: le givre cristallise sur le pare-brise de Maracas.

Le lendemain, nous élisons domicile dans les franges lointaines du Salar de Tara, près  des rochers de las Monjes qui forment des conciles de pierres  bien plus anciens que les Stonehenge humains. De loin en loin se dressent aussi des totems solitaires.

Comment dire la présence des pierres? Elle est comme celle des arbres, ineffable.

Ici, la nature a érigé des temples où les puissances viennent en invoquer d’autres. De toutes, sans doute est-ce le vent qui est le plus fort. C’est lui qui a érodé le plateau jusqu’à en extraire monolithes et cercles de pierres; c’est lui qui a sculpté les dentelles qui ornent les rocs  Nous restons là à regarder le grès changer de couleur au fil de la journée, jusqu’au coucher du soleil. Le vent s’est levé. La nuit va être froide. Nous sommes à 4500m d’altitude.

Le lendemain, nous partons pour le Cero Toco. Ce n’est pas une ascension difficile, mais elle constitue un record d’altitude pour nous 5604 mètres, 5646 dixit mon GPS…

De là, on a une vue périphérique sur toute la région, jusqu’en Bolivie et Argentine. Magique!

Nous n’en avons pas encore terminé avec l’Atacama…

Une réflexion sur « Rien que pour nos yeux… »

  1. Bonjour à vous deux,
    c’est vraiment d’une grande beauté. Les photographies sont si belles. Même à travers elles, on perçoit (un peu) ce que votre conscience a dû subir d’élargissement. Vous devez être fatigués, mais heureux, sans nul doute !
    Vous me faites penser à cette horde du contrevent du génial Alain Damasio…

    Bon vent !

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