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On demande rarement aux gens qui ils sont, mais plus volontiers ce qu’ils font dans la vie, comme si finalement nous nous réduisions à n’être que ce que nous faisons. L’un a été professeur de lettres; l’autre, infirmière. Pendant au moins deux ans, nous allons cesser d’ « être notre profession » pour devenir de simples voyageurs, des errants qui parcourent le monde sans rien faire de productif, au sens où l’entend notre « civilisation ». Nous ne partons pas en vacances car qui dit vacances, dit travail, et donc salaire. Nous n’aurons ni travail ni salaire. Nous n’aurons pas non plus d’adresse puisque nous ne laissons derrière nous ni maison ni appartement. Nous n’aurons donc pas de trousseau de clés pour alourdir nos poches. Nous partons avec chacun un sac sur le dos. Notre toit sera une petite tente de bivouac. Pourquoi faisons-nous cela? Parce qu’on en a envie! Et c’est la meilleure des raisons! Combien de fois dans nos vies sommes-nous vraiment en mesure de faire ce dont nous avons envie? Nous partons aussi pour voir un peu le monde! Pour rire et nous amuser. Pour profiter de la beauté des êtres et des choses. Pour être libres de notre temps. Parce que la vie, c’est maintenant! Alain & Célia

Impressions kurdes

A Uraman, la terre a tremblé.

Dans le Kurdistan iranien, il y a plus de vieilles Paygan que dans le reste du pays, les plus anciennes ont 50 ans, les plus récentes, 15, mais quel que soit leur âge elles se ressemblent: lourdes voitures de tôle épaisse aux lignes surannées qui grincent sur les routes défoncées.

Légendaire Paygan

On croise aussi de vieux pick-up bleus souvent chargés plus que de raison. En sortent des hommes curieusement vêtus, ils portent le chalouar, un pantalon bouffant aux airs de sarouel, une courte veste serrée, une écharpe ou une large bande de tissu autour de la taille et un keffieh pour certains.

Les femmes sont vêtues d’un pantalon ample serré aux chevilles, le jâfi; d’une tunique sans manches, le kowlanjeh, et d’une grande robe colorée, le sowkhmeh. Chaque vêtement est unique et fait sur mesure.

Les villages du Kurdistan iranien sont souvent étagés sur le flanc des montagnes et ceux qui y habitent sont bien plus sveltes que le reste de la population iranienne.

Uraman
Uraman

A Uraman, de petits escaliers de pierre escaladent la montagne entre les maisons de pierres sèches, les figuiers et les grenadiers.

On y croise des vieillards lestes, des femmes assises sur les toits-terrasses et des enfants rieurs.

Sur la montagne grise d’en face, une piste poussiéreuse somnole comme un serpent et conduit à des fermes sans électricité posées dans des oasis de verdure.

Plus loin sur la route principale, on croise des caravanes d’ânes surchargés. Ce sont des commerçants devenus contrebandiers par la force des choses. Ils s’en vont en Irak ou en reviennent par de hauts sentiers et parfois les gardes frontaliers leur tirent dessus. Car le peuple kurde, dont la population actuelle est estimée à 35 millions, est considérée comme la plus grande nation du monde sans état indépendant. Elle s’étire entre la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran sur un territoire presque aussi grand que la France..

Camps de commerçants contrebandiers près d’Uraman

Les Kurdes sont des irréductibles. Malgré les frontières qui morcellement leur terre, ils ont gardé leur identité et leurs traditions. C’est un peuple fier que l’histoire des pays qui l’enserrent a entraîné malgré lui dans des conflits. Les Kurdes se sont battus et se battent encore pour leur autonomie, mais ne dit-on pas que chaque kurde est le roi de sa montagne? Aussi est-il difficile d’imaginer un état kurde qui unifierait toutes les tribus.

A Uraman, la terre a tremblé deux fois tandis que nous séjournions chez Sabah (« le matin » en Kurde): comme des vagues de pierre qui seraient venues mourir sous nos pieds en grondant. Peut-être était-ce un sursaut de cette terre kurde tant de fois ensanglantée, une façon de se rappeler au bon souvenir des nations du monde qui souvent ne savent même pas que ce peuple existe et qu’il est aussi farouche que les montagnes qui l’abritent.