Chroniques des petites et grandes démesures (6)
Nous ne sommes guère attirés par les mégalopoles verticales et pourtant à Dubaï nous sommes passés, poussés par des nécessités financières ou tout au moins par l’absurdité des transports aériens: cela coûtait beaucoup moins cher de prendre un bateau d’Iran à Dubaï puis un avion de Dubaï à Katmandou que de prendre un vol d’Iran à Katmandou.
Nous étions logés chez le neveu d’une de mes collègues de lycée, une famille adorable qui a rendu cette escale bien plus agréable qu’elle ne l’aurait été sans elle.
Comme Achgabat la blanche, Dubaï est une ville de la démesure, une ville où l’on consume la terre dans une folle débauche d’électricité, d’eau, de pétrole, de béton et de verre.
Dans cette nouvelle Babylone, on a construit la plus haute tour du monde, la tour Burj Khalifa (828 m) et pour l’instant les hommes qui habitent là semblent encore se comprendre: emiratis, indiens, pakistanais, iraniens, philippins, russes, français, etc., tous parlent anglais. Quand il s’agit de gagner de l’argent, tout le monde s’entend…
A Dubaï, il y a deux gigantesques malls, dans l’un, on trouve un aquarium avec des requins et des raies manta, le plus grand écran haute définition du monde, une patinoire et trois étages de magasins sur des hectares et des hectares;
dans l’autre, on trouve une piste de ski aussi incongrue et irréelle qu’une boule à neige, où des Dubaïotes en doudoune remontent la pente en tire-fesse alors que dehors, dans le vrai monde, il fait 40 ou 50 degrés.
A Dubaï, l’eau du robinet est de l’eau de mer désalinisée, tout est climatisé au point d’avoir froid et d’imaginer qu’il fait la même température dehors. Mais qui est vraiment dehors si ce ne sont les maçons qui bâtissent les tours, jour et nuit, et ceux qui nettoient les rues?
A Dubaï, il n’y a pas de SDF, tout est propre, les taxis sont des Lexus au tableau de bord aussi illuminé que celui d’un Airbus. Dire que de l’autre côté de la mer, il y a l’Iran avec ses vieilles Paygan, ses rues sales et ses gens qui dorment dans les parcs…
A Dubaï, il n’y a d’autre spectacle que celui de l’hubris. C’est un de ces paradis factices comme seul le capitalisme débridé a su en produire, un délire de béton vertical, fascinant parce qu’on se sait en face d’un extrême, d’une limite qui n’aurait jamais dû être franchie.
A Dubaï, tous les soirs à partir de 18 heures, il y a un spectacle aquatique au pied de Burj Khalifa, et la tour elle-même s’illumine. La foule se masse et s’exclame. Nous nous sommes exclamés aussi, mais sans véritable émerveillement, parce que tout cela était excessif et plus artificiel qu’artistique.
Je crois bien avoir ressenti plus d’émotion aux féeries aquatiques du Pal au temps où elles existaient encore. Qu’on imagine une ziggourat élancée comme une vaste antenne de 800 mètres entièrement illuminée de jeux de lumière mouvants et psychédéliques et de grands jets d’eau qui explosent tels des feux d’artifice, le tout sous le regard d’une foule cosmopolite massée au bord d’une pièce d’eau…
J’ai vu Rome, Louxor, Karnak, Knosos, Éphèse, Pétra, Volubilis, Persépolis, je sais que vient le moment où les civilisations s’effondrent et où il ne reste presque plus rien de ces villes immenses et folles qui jadis en faisaient la fierté.
De Dubaï, un jour, il ne restera rien d’autre que de très hauts squelettes de béton au milieu du désert.
Y aura-t-il encore des bédouins pour parcourir ces ruines, juchés sur de hauts dromadaires?
Bonjour à vous deux
Entièrement d accord avec vous sur Dubai : du vent, ou plutôt du sable et du béton !
Je fais le chemin à l envers : je reviens des Annapurna.
Je me régale de vos mots, de vos images.
Merci de nous faire partager cette aventure mais ménagez vous quand même, la route est longue.
Bises à vous deux
Chantal
L’humanité est devenue folle de la technologie, elle ne veut s’imposer aucune limite. Où est cette fameuse intelligence ? A quoi sert ce cerveau dont on nous dit qu’il est l’apogée de l’évolution ? A nous détruire les uns les autres et embarquer tout ce qui nous entoure. Et pourtant, rien de plus désespérant que de percevoir la fin d’un monde où vivent nos proches. Je me suis toujours considéré comme une personne optimiste, c’est maintenant terminé hélas.
Un coucou et des bisous à vous !
Merci pour toutes ces aventures, ces rencontres et ces émotions que vos mots et vos photos nous font partager…
Même Dubaï ou Ashgabat me font rêver, souvent l’inattendu est au rendez-vous.
Bonne continuation de votre voyage ! On vous embrasse!
Patricia
Coucou Patou!
Merci pour ce petit mot!
L’inattendu est partout. 🙂
Bisous!
Ce texte a confirmé mon opinion,ne jamais voir Dubaï et mourir…..
🙂